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Il lui écrit :


Brantwood, Coniston, Lancashire, le 19 mai 1886.
Monsieur,

Vous me faites rire en vous adressant à moi, qui suis précisément l’homme du monde le moins disposé à vous donner un farthing ! La première chose que je dise aux hommes et aux enfants qui se soucient de mes conseils est : « Ne faites pas de dettes ! Mourez de faim et allez au ciel, — mais n’empruntez pas. Essayez d’abord de mendier, — je ne défendrais pas, si c’était réellement nécessaire, de voler. Mais n’achetez pas de choses que vous ne puissiez payer ! »

Et de toutes les espèces de débiteurs, les pieuses gens qui bâtissent des églises sans pouvoir les payer sont les plus détestables fous, à mon avis. Ne pouvez-vous pas prêcher et prier derrière une haie ou dans une carrière de sable, ou dans une charbonnière, d’abord ?

Et de toutes les variétés d’églises qu’on bâtit ainsi sottement, les églises bâties en fer sont pour moi les plus damnables.

Et de toutes les sectes de croyants, Hindous, Turcs, idolâtres de plumes, et adorateurs de Mumbo Jumbo, de soliveaux et de feu, qui ont besoin d’églises, votre moderne secte évangélique anglaise est pour moi la plus absurde, la plus entièrement inacceptable et insupportable ! Toutes choses qu’on aurait pu trouver dans mes livres, — et toute autre secte que la vôtre l’eût fait, — avant de me donner la peine de le récrire.

Toujours, néanmoins, et en disant tout cela, votre fidèle serviteur,

John Ruskin. -----


Voilà le côté abrupt de cette franchise, où il pousse plus de ronces que d’herbes bienfaisantes