Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/61

Cette page n’a pas encore été corrigée

a peut-être été une des conséquences de cette erreur. Les rationalistes, eux, gardèrent l'art et rejetèrent la religion. Leur art fut celui de la Renaissance, marqué par un retour au système païen, non pour l'adopter au lieu et place du christianisme, mais pour l'étudier et l'imiter. En peinture, il a pour chef Jules Romain et Nicolas Poussin ; en architecture, Sansovino et Palladio.

Dans toutes les directions, il se produisit un abaissement instantané, un véritable déluge de folie et d'hypocrisie. La mythologie, d'abord mal comprise, puis pervertie en débile sensualité, remplaça les sujets religieux devenus, d'ailleurs, blasphématoires sous le pinceau des Caracci. Des dieux sans puissance, des satyres sans rusticité, des nymphes sans innocence, des hommes sans humanité errèrent, par groupes idiots, sur la toile déshonorée par eux, et des statues théâtrales encombrèrent les rues de leurs marbres présomptueux. Le niveau de l'intelligence s'abaissa de plus en plus ; l'école inférieure du paysage usurpa la place de la peinture historique, tombée dans la pédanterie purulente. On eut les sublimes gueuseries de Salvator ; les idéalités sortant de la fabrique de Claude Lorrain, les lourdes compositions confectionnées par Gaspar et par Canaletto ; au nord, la stupide patience de gens qui passèrent leur vie à représenter des bricks, des brouillards, de grands bestiaux et des mares. C'est ainsi que le catholicisme et la moralité, le courage, l'intelligence et l'art s'en allant de compagnie à la dérive jusqu'au naufrage final, nous amenèrent la chute de l'Italie, la Révolution française et, sous le règne de Georges II, la situation de l'art dans l'Angleterre que le protestantisme sauva d'un plus sévère châtiment.

Je n'aurai pas travaillé en vain si je réussis à diminuer le renom de l'École du paysage, au temps de la Renais-