Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/58

Cette page n’a pas encore été corrigée

furent dirigés par des maîtres arabes, qui leur imposèrent des formes transportées ensuite par eux dans les différents pays où ils travaillèrent. En outre des églises que j'ai citées, on trouve encore des fragments datant de cette époque dans dix ou douze palais.

A ce style en succéda un autre beaucoup plus arabe. Les colonnes devinrent plus minces, les arceaux transformèrent leur rondeur en pointe, les chapiteaux et l'ornementation furent modifiés. Ce style resta laïque : les Vénitiens trouvaient naturel d'imiter les élégants détails des habitations arabes, mais ils n'auraient accepté qu'avec répugnance de copier les mosquées dans leurs temples chrétiens.

Impossible d'assigner à ce style une date précise ; il semble avoir été contemporain du byzantin auquel il survécut. Il existait en 1180, date de l'érection des deux colonnes de granit de la Piazetta dont les chapiteaux sont les deux morceaux les plus importants qui restent de ce style de transition. Nous en trouverons quelques vestiges, que nous étudierons, dans presque toutes les rues de la cité.

Les Vénitiens se montrèrent toujours disposés à recevoir les enseignements de leurs adversaires (autrement, il ne se trouverait aucune trace de l'art arabe à Venise), mais leur haine contre les Lombards qui leur inspiraient une crainte spéciale, les empêcha pendant longtemps, de subir l'influence de l'art que ce peuple avait introduit sur le continent italien. Et cependant on trouve dans l'architecture de leurs églises un essai primitif de Gothique pointu qui semble un pâle reflet des formes lombardo-arabes, parvenues en Italie à leur plus haut degré de perfection et qui, certainement, sans une intervention particulière, seraient venues se fondre dans l'École véni-