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byzantines ; du corinthien viennent le Gothique, l’Anglais primitif, le Français, l’Allemand et le Toscan.

Maintenant, retenez bien ceci : les anciens Grecs donnèrent la colonne qu’ils avaient probablement reçue de l’Égypte ; Rome donna l’arceau arrondi que les Arabes terminèrent en pointe et couvrirent de feuillages sculptés. La colonne et l’arceau sont la charpente et la force de l’architecture.


J’ai dit que les deux ordres, dorien et corinthien, furent la base de l’architecture européenne. Bien qu’on parle souvent de cinq ordres, il n’existe réellement que ces deux-là, et il ne saurait en surgir d’autres jusqu’au jour du jugement dernier. Il n’y a, à côté d’eux, que des variétés en dérivant ou bien des fantômes, des grotesques sans nombre.

L’architecture grecque fut gauchement copiée et variée par les Romains, sans résultat utile, jusqu’au jour où ils employèrent l’arceau à des usages pratiques. S’ils gâtèrent le chapiteau dorien, en essayant de le perfectionner, ils enrichirent le corinthien par des fantaisies diverses, souvent fort belles. Ensuite vint le Christianisme : il s’empara de l’arceau qu’il décora avec amour et inventa un nouveau chapiteau dorien pour remplacer celui que les Romains avaient gâté. L’empire romain se mit partout à l’œuvre, employant à s’embellir de son mieux les matériaux qu’il avait sous la main. Cette architecture romano-chrétienne est la fidèle image de la Chrétienté de ce temps ; très fervente et très belle, mais très imparfaite ; ignorante sous certains aspects, mais éclairée par les rayons de l’imagination enfantine qui s’alluma en elle sous Constantin, illuminant les rives du Bosphore, de la mer Égée et de l’Adriatique, et qui, — tel un peuple s’adonnant à l’idolâtrie — s’éteignit peu à peu.