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présente le plus intéressant spectacle d'un peuple ayant combattu l'anarchie, ayant rétabli l'ordre et confié le pouvoir aux mains du plus digne et du plus méritant. Ce chef fut appelé Doge, et, peu à peu, il se forma autour de lui une aristocratie dans laquelle et, plus tard, par laquelle il fut choisi. Cette aristocratie, composée de quelques familles qui avaient fui l'ancienne Venise et qui, unies et héroïques, avaient formé un corps distinct, devait son origine au hasard du nombre, de l'influence et de la richesse. Cette première période renferme l'élévation de Venise, ses plus nobles progrès et les circonstances qui déterminèrent son caractère et son rang parmi les puissances européennes. Comme on pouvait s'y attendre, on y rencontre les noms de tous ses héroïques Doges : Pietro Urseolo, Ordelafo Falier, Domenico Michieli, Sebastiano Ziani et Enrico Dandolo.

La seconde période s'ouvre par les cent vingt années les plus remplies d'événements dans la vie de Venise. Elle renferme la principale lutte de son histoire et la honte de son crime le plus noir : le meurtre de Carrara. On la voit troublée par la plus dangereuse conspiration intérieure, celle de Faliero ; opprimée par la fatale guerre de Chiozza et illustrée par la gloire de deux de ses plus nobles citoyens (car, dans cette période, l'héroïsme des citoyens remplace celui des rois) : Victor Pisani et Carlo Zeno.

Je fixe le commencement réel de la décadence vénitienne à la date du 8 mai 1418, jour de la mort de Carlo Zeno, et son commencement visible à cinq années plus tard, époque où mourut le plus noble, le plus sage de ses enfants, le Doge Tomaso Mocenigo. Le règne de Foscari vint ensuite, assombri par la peste et par la guerre. Dans cette guerre, pendant laquelle de grandes acquisitions de terrains furent faites en Lombardie par une heu-