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310 INDEX VENITIEN ordre, au centre, offre, par l’introduclion des quatre-feuilles, certaines ressemblances avec les anciens ornements gothiques. SALUTE (Église de Santa Maria della) sur le Grand Canal. Une des plus anciennes constructions de la Renaissance grotesque, que sa situation et ses proportions générales, remarquablement bonnes, rendent impressionnantes. La grâce de ce monument tient surtout à l’inégalité de ses coupoles, et à l’heureux groupement derrière elles, des deux campaniles. Généralement, les proportions d’un bâtiment n’ont rien à faire avec son style ou les mérites de son architecture. Un architecte instruit à la pire école, et dénué de toute entente de son métier, peut avoir un don naturel de groupement qui fera produire à son œuvre, vue de loin, un réel effet. Ce don se rencontre souvent chez les derniers constructeurs italiens; beaucoup de leurs plus mauvais édifices produisent un bel effet, tant qu’on ne s’en approche pas trop. L’église de la Salute est, de plus, ornée d’un superbe perron descendant jusqu’au canal et sa façade, belle et riche, a été choisie par Turner comme l’objet principal de sa vue, si connue, du Grand Canal. Les défauts frappants de cette église sont de mesquines fenêtres — sur le côté des coupoles — et le ridicule déguisement des contreforts qui sont déjà, eux-mêmes, une hypocrisie, puisque la coupole étant en bois, d’après Lazari, n’en avait aucunement besoin. La sacristie renferme quelques tableaux précieux : toutefois, les trois Titiens du plafond, très remarqués, sont, à mon avis, aussi faibles que laids ; et le petit Titien : Saint Marc, saint Corne et saint Damiens, m’apparut, à première vue, comme la plus mauvaise œuvre de ce peintre, à Venise. Depuis, il a été restauré par l’Académie et m’a paru ne plus exister, mais je n’avais pas le temps nécessaire pour l’examiner avec soin. Au fond de la plus grande sacristie est la demi-lune qui décora jadis le tombeau du Doge Francesco Dandolo (voy. plus haut, p. 2o5), et tout à côté se trouve un des Tintorets les plus complets de Venise : Les noces de Cana, immense peinture de 20 pieds de long sur 15 de haut, et signalée par Lazari au nombre des quelques toiles signées par Tintoret. Je ne suis pas surpris qu’il ait agit ainsi. Évidemment, c’est une de ses œuvres préférées; il y a développé tout ce que sa force colossale pouvait donner, le sujet n’admet, dans sa composition, ni originalité, ni énergie.