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tude de composer des attitudes conduisit au manque de vie et à l’avortement.

Giotto fut peut-être celui qui échappa le plus à ce poison ; il conçut ses tableaux naturellement et les exécuta sans affectation. Cette absence de postures préparées dans les œuvres préraphaélites mises en opposition avec l’attitudinisme de l'école moderne, a été une de leurs principales qualités et, en même temps, la principale cause de la clameur qui s’éleva contre eux.

Un changement plus significatif encore apparut dans la forme du sarcophage. Nous avons vu, répondant au développement de l’orgueil de la vie sur les tombes, la crainte de la mort s’y faire jour : à mesure qu’augmentent leur splendeur et leurs dimensions, on aperçoit un désir croissant d’enlever au sarcophage son véritable caractère. Dans les premiers temps, il n’avait été qu'une masse de pierre, puis on le décora de sculptures ; ce n'est qu’au milieu du XVe siècle que se montra le désir de déguiser sa forme. Il fut enrichi par des fleurs et caché par des Vertus : finalement, perdant sa forme oblongue, il ressembla à d’anciens vases dont les modèles gracieux étaient aussi éloignés que possible du cercueil. D’élégance en élégance, il en arriva à ne plus être qu’un piédestal pour la statue du défunt amenée, par une curieuse suite de transitions, à le représenter vivant. Le monument de Vendramin fut un des derniers qui montra une statue couchée dans la mort. Peu après, cette idée devint désagréable aux esprits civilisés et les personnages au lieu de rester couchés sur le coussin du tombeau, se relevèrent appuyés sur leur coude et commencèrent à regarder autour d’eux.

L’âme du XVIe siècle n’osait plus contempler son corps frappé par la mort.