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gothique garda quelque influence. Les fenêtres avec leurs espaces intermédiaires de marbre étaient considérées comme ayant besoin d’être entourées et soutenues par des enveloppes vigoureuses et variées. Toute l’étendue des murs de briques était un simple fond : on le couvrait de stuc sur lequel on peignait des fresques dont les fonds étaient diaprés.


Eh ! quoi — va demander le lecteur surpris — du stuc dans la grande période gothique ? Parfaitement, seulement ce stuc n’imitait pas la pierre. Là gît toute la différence : c’était un stuc avoué, établi, posé sur les briques comme la couche de craie l’est sur la toile pour en faire un terrain où la main de l’homme pourra appliquer la couleur qui, bien posée, rendra le mur de briques plus précieux qu’un mur d’émeraudes. Quand nous voulons peindre, nous sommes libres de préparer notre papier comme nous l’entendons ; la valeur du dessous n’ajoutera rien à la valeur de la peinture. Un Tintoret peint sur de l'or battu n'aurait pas plus de valeur que peint sur une toile grossière ; ce serait tout simplement de l'or perdu. Tout ce qu'on doit faire est de rendre, par n’importe quels moyens, le terrain aussi apte que possible à recevoir la couleur.


Je ne sais si j’ai eu raison d'employer le mot « stuc » pour le fond des fresques ; mais cela ne tire pas à conséquence : le lecteur aura compris que tout le mur du palais était blanc et considéré comme la page d'un livre destinée à être enluminée, et aussi que le vent de la mer est un mauvais bibliothécaire ; dès que le stuc commençait à se faner ou à tomber, la laideur de sa couleur nécessitait une restauration immédiate ; c’est pourquoi il nous reste à peine quelques fragments de toutes les décorations chromatiques des palais gothiques.