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sculpture religieuses sont nobles, tandis que l’architecture, avec la sculpture qui en dépend, est généralement mauvaise. Quelquefois, cependant, son habileté consommée fait oublier son manque d’énergie.


Tel est le cas spécial de la seconde branche de la Renaissance qui se greffa, à Venise, sur le type byzantin. Du moment que l’enthousiasme classique imposait l’abandon des formes gothiques, il était naturel que l’esprit vénitien retournât avec affection aux modèles dans lesquels les arceaux ronds et les colonnes isolées, devenues obligatoires, se présentaient à lui sous une forme consacrée par les ancêtres. En conséquence, dans la première école d’architecture qui s’éleva sous la nouvelle dynastie, la méthode d’incruster le marbre, et la forme générale des arceaux ronds et des colonnes isolées, furent adoptées d’après les modèles du XIIe siècle, mais appliquées avec les plus grands raffinements de l’habileté moderne. À Vérone et à Venise, l’architecture qui résulta de ce mélange est extrêmement belle. À Vérone, elle est, il est vrai, moins byzantine, mais elle possède le caractère de richesse délicate particulier à cette ville[1]. À Venise, elle est plus sévère, mais ornée de sculptures qui n’ont pas de rivales pour la hardiesse de touche et la grâce minutieuse de la forme et qui sont rendues spécialement intéressantes et belles par l’introduction des incrustations de marbres de couleur, de serpentine et de porphyre qui frappèrent Philippe de Commines à sa pre-

  1. Hélas ! le plus bel échantillon, l’exquise « loggia » du frère Giocondo a été barbouillée et déshonorée par la « restauration » moderne qui en a fait une caricature aussi grotesque qu’un clown de Noël. Les délicieuses fresques de la Renaissance, pures comme des feuilles de rose, sont traitées de « sporco » par le restaurateur italien qui les remplace par des couleurs à l’huile : le bistre et le vert de Prusse, et qui étend de l’or où le diable le pousse, pour enrichir l’ensemble.