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Le lecteur se souvient, j’en ai l’espoir, que le sentiment le plus caractéristique que j’ai signalé dans le cœur gothique était le franc aveu de sa propre faiblesse ; dans l’esprit de la Renaissance, au contraire, l’élément qui domine est une confiance résolue dans sa propre sagesse.

Ici, les deux esprits prennent eux-mêmes la parole :

La première sculpture du palais gothique est ce que j’ai appelé l’angle du Figuier.

Son sujet est la Chute de l’homme ;

La seconde sculpture est l’angle de la Vigne.

Son sujet est l’Ivresse de Noé.

La sculpture de la Renaissance est l’angle du Jugement :

Son sujet est le Jugement de Salomon.

Il est impossible de constater avec une trop grande admiration la signification de ce simple fait. Il semble que le Palais ait été construit à différentes époques, et préservé jusqu’à ce jour dans le seul but de nous faire comprendre la différence de tempérament des deux Écoles.

J’ai désigné la sculpture de l’angle du Figuier comme la plus importante, parce qu’elle forme la principale courbe du Palais, là où il tourne sur la Piazzetta. Le grand chapiteau qui supporte cet angle est beaucoup plus travaillé que celui qui surmonte l’angle de la Vigne, marquant ainsi la place proéminente qu’il occupait dans la pensée du constructeur. Il est impossible de dire lequel des deux angles fut élevé le premier, mais celui du Figuier est d’une exécution plus rude ; le dessin des personnages y est plus raide ; on peut donc supposer qu’il a été sculpté le premier.

Dans ces deux angles, l’arbre qui est le principal motif décoratif de la sculpture — figuier dans l’un, vigne dans