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restes du passé — restes presque exclusivement ecclésiastiques — l'Église romaine n'a pas tardé à tirer parti, à son profit, des instincts naturels qui ne trouvaient à se rafraîchir qu'à cette unique source. Elle a jugé bon de proclamer que, jusqu'aujourd'hui tout ce qui reste de beau en architecture appartient à la grande Église, aux doctrines romaines, il en a toujours été ainsi. Absurdité absolue que peut, à la rigueur, croire un pasteur de campagne mais dont, je l'espère, le bon sens de la nation ne tardera pas à se débarrasser.

Une très légère étude de l'esprit du passé suffit à démontrer une fois pour toutes, ce que j'espère établir avec force et clarté : c'est que, là où l'architecture des églises chrétiennes a été bonne et belle, elle était simplement le parfait développement de l'architecture usitée, à cette époque, pour la construction des habitations. Lorsque l'arceau en pointe fut employé dans les rues, il le fut de même dans l'église, tout comme on avait fait de l'arceau rond ; lorsque la fenêtre du grenier fut surmontée d'un pinacle, on en posa un sur la tour du beffroi ; quant au plafond plat, lorsqu'il devint à la mode pour les salons, il fut également employé dans les nefs d'église.

Il n'y a rien de sacré ni dans un arceau, ni dans une ogive, ni dans un arc-boutant, ni dans un pilier. Les églises furent plus vastes que les autres constructions parce qu'elles devaient contenir plus de monde; elles furent plus ornées parce qu'elles étaient plus à l'abri des attaques violentes et qu'elles attiraient de généreuses offrandes, mais elles ne furent jamais bâties dans un style particulier, religieux, mystique : elles furent bâties dans le style courant de l'époque, familier à chacun. Les dessins flamboyants de la cathédrale, à Rouen, avaient leurs pendants à toutes les fenêtres de la place du Marché ;