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et leurs indescriptibles petits pignons de bois, contournés et penchant d'un côté.

Nous trouvons ensuite des maisons plus importantes, aussi d'un vieux style, mais construites en briques rouges et ayant, derrière elles, des jardins où des murs garnis d'espaliers laissent entrevoir, parmi les brugnons, des vestiges — arceau ou colonne — de quelque vieux cloître. Ces maisons font face au square de la cathédrale, régulièrement divisé en verts gazons et en allées sablées ne manquant pas d'une certaine gaîté, surtout du côté ensoleillé où les enfants des chanoines se promènent sous l'œil de leurs bonnes.

Arrivés à la façade ouest, en marchant avec soin pour ne pas écraser le gazon, contemplons les piliers à l'ombre desquels s'élèvent des statues dont il ne reste plus que de majestueux fragments. — Représentaient-elles des rois de la terre ou de saints rois du ciel ? — Plus haut s'élève le grand mur aux arceaux confus, couvert de moulures et de sculptures grossières; sombre, effrité, orné d'affreuses têtes de dragons et de démons moqueurs ; pétri par la pluie et le vent en des formes invraisemblables et dont l'enveloppe de pierre est teintée d'une mélancolique dorure par des lichens d'un orange roussâtre[1]. Encore plus haut se dressent les froides tours : les yeux se perdent dans le relief de leurs rudes et forts contours, pour n'y plus dis tinguer — comme autant de points noirs tournoyants, tantôt se rapprochant, tantôt se dispersant, puis réapparaissant soudain parmi les fleurs sculptées — qu'une foule d'oiseaux noirs sans repos remplissant le square d'étranges clameurs qui rappellent les cris des oiseaux voletant sur une côte isolée, entre les falaises et la mer.

  1. Hélas! Toutes ces choses ne se voient plus. A propos de ce grand mur, lisez la description du nouveau parapet de M. Scott orné dune multitude de rois, venus en droite ligne de Kensington.