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dans lequel commença la domination de Venise et d’où lui vint la force d’accomplir ses conquêtes, ne cherchez pas ce que pouvaient valoir ses arsenaux ; n’évaluez pas le nombre de ses armées ; ne considérez pas le faste de ses palais ; ne cherchez pas à pénétrer le secret de ses Conseils ; mais montez sur le rebord rigide qui entoure l’autel de Torcello, et là, contemplant comme le fit jadis le pilote, la structure de marbre du beau Temple-Vaisseau, repeuplez son pont jaspé des ombres de ses marins défunts, et surtout, tâchez de ressentir l’ardeur qui brûlait leurs cœurs, lorsque, pour la première fois, les piliers édifiés dans le sable et le toit leur cachant un ciel encore rougi par l’incendie de leurs foyers, ils firent retentir, à l’abri de ces murailles et accompagnés par le murmure des vagues et le tournoiement d’ailes des mouettes, l’hymne-cantique chanté par eux à pleine voix :


« La Mer est à lui et Il l’a créée
« Et ses mains ont préparé la terre ferme. »