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vant le jugement actuel ; fut ineffablement haute, suivant le jugement d’une philosophie plus pure ; et si elle n’est plus bonne pour notre époque, c’est seulement parce qu’elle est trop élevée pour nous.

« Après ses avantages spirituels, Jeanne fut surtout redevable de ce qu’elle fut aux avantages de sa situation. La fontaine de Domremy était sur le bord d’une immense forêt, si bien hantée par les fées que le curé y devait venir lire la messe une fois l’an, pour les retenir en de décentes bornes.

« Mais ces forêts de Domremy étaient la gloire du pays, car en elles demeuraient de mystérieux pouvoirs et des secrets anciens, qui les dominaient d’une puissance tragique. Il y avait là des abbayes et des fenêtres d’abbayes, « semblables aux temples mauresques des Hindous », qui faisaient sentir leur pouvoir princier jusqu’en Touraine et dans les diètes allemandes. Elles avaient leurs douces sonneries de cloches qui perçaient l’air des forêts bien des lieues à la ronde, à matines ou à vêpres, et chacune possédait sa rêveuse légende. Ces abbayes étaient assez peu nombreuses et assez disséminées pour ne point troubler la profonde solitude de la région ; cependant elles étaient assez nombreuses pour étendre comme un réseau ou une tente de sainteté chrétienne, sur ce qui autrement n’eût semblé qu’un désert païen. »

Maintenant, il est vrai, que vous ne pouvez avoir ici, en Angleterre, des bois profonds de dix-huit milles de rayon, mais peut-être pourriez-vous garder une ou deux