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est sous les yeux ; à chaque instant du jour & de la nuit l’animal peut en être affecté, & on ne donne pas le plus léger soin pour le prévenir ? Si l’araignée est aussi venimeuse qu’on le dit, les accidens seroient moins rares.

M. de Bon, premier président de la chambre des comptes de Montpellier, de la société royale des sciences de cette ville, a élevé des araignées de la même manière qu’on fait l’éducation des vers à soie, ainsi qu’on le dira tout à l’heure. Il a vécu au milieu d’elles, les a suivies depuis le moment qu’elles sont sorties de l’œuf jusqu’à celui où elles font leurs cocons, a été souvent mordu par ces insectes sans aucun inconvénient ; un pareil témoignage, & d’une personne aussi instruite que l’étoit M. de Bon, est d’un grand poids aux yeux de l’homme qui ne se laisse pas séduire par les opinions vulgaires.

Il convient de rapporter des faits tout opposés pour les suites, & de les examiner. Reifel raconte dans les Éphémérides des Curieux de la nature, que, dans le bourg d’Opping, célèbre par ses eaux aériennes, un homme bien constitué, & d’un fort bon tempéramment, étant dans son grenier, sentit au col quelque chose qui le piquoit ; il y porta la main, & s’apperçut que c’étoit une araignée qu’il venoit d’écraser. La morsure fut suivie d’un sentiment d’ardeur & de douleur dans la partie. Il alla le lendemain matin à la campagne, & but copieusement avec ses amis. Trois jours après la piqûre, il parut des signes d’inflammation au col ; le quatrième jour, il y en eut à la poitrine, & il tomba plusieurs fois en foiblesse. Un barbier appliqua sur la poitrine un onguent de litharge. Le cinquième jour un médecin fut appelé, ordonna les sudorifiques, les cordiaux, fit appliquer la thériaque sur le col & le sixième jour le malade mourut.

Je choisis cet exemple comme un des plus graves entre ceux cités par les auteurs ; mais sans parler du traitement mis en pratique par le barbier, qui répercuta l’humeur, il auroit fallu auparavant bien examiner si cette araignée n’avoit point mangé ou piétiné quelque substance vénéneuse. On ne peut pas plus conclure pour le poison de cet insecte, que pour celui des mouches, que personne n’accuse d’être venimeuse, & qui le sont cependant, suivant les circonstances.

Dans ces mêmes Éphémérides des Curieux de la nature déjà citées, on lit qu’une religieuse nommée Catherine de Plesse, ayant été piquée à la main par une grosse mouche, il y vint sur le champ une tumeur inflammatoire très-douloureuse. Le lendemain la malade ressentit une grande douleur de ventre ; on employa inutilement les remèdes ordinaires ; la douleur augmenta, les forces de la malade s’épuisèrent, & enfin elle rendit par les selles du sang clair. Cette dyssenterie devint épidémique dans la communauté ; elle fut mortelle pour plusieurs, & spécialement pour celle qui avoit été attaquée la première. Il régnoit alors dans un village voisin une dyssenterie épidémique ; mais il n’y avoit eu aucune communication avec les habitans de ce village, & personne n’avoit été attaqué de cette maladie dans la ville d’Hertvort où étoit situé le