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bouillie, le chargent d’une humeur glutineuse qui s’oppose à sa parfaite dessiccation, & cause une perte réelle. Lorsque le tems est pluvieux ou couvert, on est quelquefois obligé de faire un feu continuel dans la sécherie, afin que la fumée épaisse empêche les mouches de se jeter sur les caisses.

Les détails dans lesquels on vient d’entrer, démontrent combien il est difficile de conduire les opérations par lesquelles on obtient enfin la pierre d’indigo, & que ces opérations n’ont point de règles parfaitement fixes. M. Monnereau fournit des observations qui ne sont pas à négliger.

La rapidité de la fermentation exige qu’on veille les cuves pendant la nuit comme dans le jour, ce qui fait souvent contracter des maladies dangereuses. Voici comment s’explique M. Monnereau : « Allant un jour sonder une petite cuve, j’y fus vers le coucher du soleil, & nous étions dans une saison où la fermentation est très-expéditive, c’est-à-dire, au mois d’Octobre : j’observai que la cuve commençoit à jeter sa teinture verte ; je la sondai pourtant ; & estimant qu’elle pourroit porter jusque vers les deux heures après minuit, & l’idée remplie du degré de son bouillon, je consultai ma montre. Après avoir ordonné de lâcher l’eau à l’heure que j’indiquois, je me reposai tranquillement ; & je trouvai le lendemain avoir fort bien réussi. Je fis la même observation à la seconde cuve, avec cette précaution de m’y trouver deux heures plutôt ; & trouvant son bouillon au même degré de l’autre, j’en diminuai les deux heures qu’elle me parut avancer, & j’eus le même succès. Je continuai ainsi le reste de la coupe sans m’écarter de ce plan, & je m’y réglai en quelque façon mieux qu’en sondant. »

Pour trouver le point fixe de la dissolution, il faut toujours commencer à sonder de bonne heure une cuve, sur-tout la premiere, afin de ne pas être surpris, & s’attacher également à la qualité de l’eau comme à celle du grain, & répéter cette inspection toutes les quatre heures. Trois visites suffisent ; par exemple, quand on a sondé la cuve pour la première fois, s’il reste, je suppose, encore dix heures à fermenter, & qu’on aille, quatre heures après, faire la seconde visite, on sait à quoi s’en tenir pour la troisième.

Lorsqu’on fait ces visites de loin en loin, les changemens frappent la vue d’une manière plus décidée. Si à la troisième visite de la cuve elle se trouvoit passée, il n’est pas douteux qu’on s’en appercevroit à l’eau, & on pourroit estimer & calculer son excès par la visite précédente. Dans ce cas, l’eau ne présente plus ce verd vif ; il règne à sa place un verd sale ou un jaune pâle, marques évidentes de son excès ; l’eau même qui rejaillit sur les mains n’y fait aucune impression ; tandis que si la pourriture n’a pas été assez forte, chaque goutte d’eau fait sur les mains une impression si grande, que pour l’effacer, il faut les laver plusieurs fois de suite avec du savon.