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ce que Pline raconte sur la police qui s’observe dans une république d’abeilles. Il dit très-sérieusement qu’une d’entr’elles est chargée de donner le signal du travail, en se promenant sur les gâteaux, pour éveiller ses compagnes par son bourdonnement, & qu’elles partent ensuite pour aller faire leur récolte. Il assure qu’on envoie toujours les jeunes à la campagne, & que les vieilles restent dans l’habitation pour vaquer aux ouvrages intérieurs : quelques-unes de celles qui restent sont chargées de veiller & de faire travailler les autres ; elles remarquent celles qui se livrent à l’oisiveté, pour les reprendre sévèrement, & les punir de mort quand elles sont incorrigibles. On peut se dispenser d’ajouter foi à ce récit, ainsi qu’à bien d’autres qu’on supprime, & qui ne sont pas plus vrais, pour être de Pline.

Les abeilles sont à peine sorties de l’engourdissement que leur occasionnoit la rigueur du froid, que leur premier soin, est de visiter tout l’intérieur de leur domicile, & de parcourir tous les gâteaux, en examinant dans les cellules l’état du couvain. Si les œufs sont desséchés, & qu’elles prévoient qu’ils ne pourront point éclore, elles les arrachent du fond des cellules pour les porter dehors : les vers, les nymphes qui n’ont pu résister à la rigueur du froid ; leurs compagnes, qui sont mortes de vieillesse ou de maladie, sont enlevés & portés loin de l’habitation. Quelquefois le fardeau qu’elles veulent sortir de leur domicile est trop pesant pour une seule, principalement quand ce sont des papillons ou autres insectes morts dans leur habitation, & dont il faut la débarrasser ; alors plusieurs se rassemblent pour venir à bout de les transporter loin de leur domicile, où tous ces cadavres répandroient une mauvaise odeur.

Elles brisent avec leurs dents les gâteaux qui sont tombés ou moisis, afin de pouvoir plus aisément les sortir par petits morceaux. Enfin elles enlèvent tout ce qui peut nuire dans leur habitation, y causer de l’embarras & de l’infection. Dès qu’elle est bien nettoyée, & qu’elle a acquis, par leurs soins, une propreté convenable, la plus grande partie prend son essor & va dans les campagnes, ramasser les différentes provisions qui leur sont nécessaires. Celles qui restent dans l’intérieur ne sont point oisives ; les unes sont chargées de veiller à la sûreté publique, & de monter, pour cet effet, une garde exacte aux portes, afin d’écarter les téméraires qui voudroient tenter quelqu’attaque de surprise ; d’autres se promènent devant les portes, en attendant l’arrivée de leurs compagnes, pour les aider à se débarrasser de leurs fardeaux : celles qui sont sur les gâteaux attendent qu’on leur apporte les matériaux nécessaires pour la construction de leurs édifices, afin de les préparer pour les employer selon le besoin : quelques-unes sont occupées à faire cortège à la reine, & à lui rendre les services nécessaires pendant qu’elle fait sa ponte, tandis que d’autres visitent les cellules où elle a déjà déposé ses œufs, pour examiner s’il n’y en a pas plusieurs dans la même. Il ne faut point croire, comme Pline, que celles qui sont occupées dans l’intérieur, n’aillent point faire