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l’humidité de l’atmosphère la fait tomber en efflorescence ; les pyrites se décomposent, l’acide vitriolique qui les formoit, réagit sur la base argileuse & sur la terre de l’alun que l’ampélite contient, & produit des sels vitrioliques, de la sélénite & de l’alun : dans cet état, sa saveur âcre, styptique & bitumineuse, augmente sensiblement. L’eau de la pluie délaye ces sels ; ils pénétrent la terre, & détruisent sans doute une partie des insectes qui y étoient renfermés, ou en larves, ou en état de vers parfaits. La couleur noire de cette terre étant due en partie au fer, ce métal forme encore avec l’acide vitriolique un vitriol martial qui peut être un vrai poison pour ces vers.

La manière dont les habitans de Baccarach, (petit pays de l’Allemagne) & des rives de la Moselle, se servent de l’ampélite, démontre la vérité de cette théorie. Ils ramassent cette terre noire, la mettent en tas auprès de leur vigne, & la laissent effleurir & décomposer. Ils ont soin seulement de la remuer de tems en tems, afin que la décomposition soit plus générale & plus prompte. Quand cette terre est réduite en une espèce d’argile, ils la transportent dans leur vigne, & la répandent comme on répand de la marne sur une terre à blé. Les différentes façons que l’on donne à la vigne, la mêlent avec le sol qu’elle fertilise singuliérement. Quelle que puisse être l’efficacité de l’ampélite pour faire périr, par sa stypticité & son principe vitriolique, les insectes & les vers, il faut la considérer plutôt comme engrais, & en cette qualité elle agit plus directement.

Le canton de France où on la trouve plus abondamment, est la Ferrière-Béchet, entre Séez & Alençon en Normandie. Les hollandois, ce peuple si industrieux, & qui ne néglige aucun objet, quelque petit qu’il paroisse, pourvu qu’il en puisse tirer parti, en font venir une très-grande abondance d’Essen, dans l’évêché d’Osnabruck en Westphalie. Comme ils n’ont pas de vignes, il est à présumer, suivant M. Valmont de Bomare, qu’ils s’en servent pour contrefaire l’encre de la Chine. La vanité, dans certains cantons, a su profiter de cette terre pour teindre en noir les cheveux & les sourcils. M. M.


AMUSER LA SÉVE. Expression inconnue avant que les industrieux cultivateurs de Montreuil l’eussent introduite dans le traitement des arbres fruitiers. M. l’abbé Roger de Schabol l’a ensuite consacrée dans son premier volume sur la Théorie & sur la Pratique du Jardinage. Amuser la séve, c’est laisser à l’arbre plus de bois & de bourgeons que de coutume. Par exemple, un arbre est trop vigoureux, il s’emporte ; un côté d’un arbre est plus fort que l’autre, il a des gourmands : alors pour amuser la séve, on taille plus long le côté vigoureux, & plus court le côté maigre, & on alonge beaucoup les gourmands pour laisser consumer par-là le trop de séve. Lorsqu’on voit que l’arbre est devenu plus modéré, on change de conduite à son égard, & on le mé-