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tent le troisième rhombe pour fermer la cavité pyramidale, & sur ses deux côtés elles attachent les deux derniers pans du tuyau exagone ; par ce moyen la cellule est fermée.

Lorsque l’abeille veut bâtir une pièce de la base ou du corps de la cellule, il sort de sa bouche une liqueur mousseuse, ou une espèce de gelée assez compacte qui est poussée par la langue hors de la bouche. Pour faciliter la sortie de cette liqueur, la langue qui est obligée de prendre diverses formes, est dardée en avant & retirée dedans la bouche avec une vîtesse extrême ; tant qu’elle pousse la liqueur en dehors, sa figure ne cesse de varier ; elle paroît d’abord pointue comme la langue d’un serpent ; on la voit ensuite large & aplatie ; & dans de certaines circonstances, un peu concave. Lorsque la liqueur mousseuse, qui prend tout de suite une consistance un peu solide, a été appliquée par la langue, les dents alors agissent pour la comprimer, en la battant entr’elles avec une précipitation étonnante. Après qu’une abeille a employé la matière qu’elle avoit préparée, elle se retire pour céder sa place à une autre qui arrive avec des matériaux tout prêts.

Les abeilles ne s’occupent pas d’abord à polir leurs ouvrages, ni à leur donner cette délicatesse qu’ils auront par la suite : avec toute leur adresse, elles n’y réussiroient pas ; leur propre poids renverseroit un ouvrage frais qui seroit trop mince pour les soutenir. Ce n’est qu’avec beaucoup de peine, de tems & de travail, qu’elles les perfectionnent : après avoir été ébauchés solidement, elles les reprennent pour les polir peu à peu ; on en voit alors entrer la tête la première dans les cellules ébauchées, pour gratter, ratisser les parois & le fond avec leurs dents ; elles sortent ensuite avec une petite boule de cire de la grosseur d’une tête d’épingle, qu’elles portent ailleurs. À peine en est-il sorti une, qu’une autre la remplace pour polir, ratisser à son tour, & emporter au bout de la pince que forment les dents réunies, une petite boule de cire. Dans ce travail, leurs dents continuellement en action, imitent assez bien le jeu d’une pince en ratissoire dont le mouvement seroit extrêmement précipité ; elles agissent donc l’une contre l’autre, en ratissant avec vîtesse les murs des édifices qu’elles veulent polir ; par ce jeu précipité, elles détachent de petits fragmens de cire dont elles forment la boule qu’elles emportent ; si c’est une pièce brute qu’elles entreprennent de dégrossir, la boule de cire est bientôt faite ; mais quand elles donnent le dernier poli, elles sont plus long-tems à la faire. M. de Réaumur, qui n’a pu observer quelle étoit la destination de ces boules de cire, pense qu’elles sont employées à ébaucher d’autres cellules ; cette opinion est d’autant plus vraisemblable, que cette cire, encore toute molle & pétrie avec leurs dents, a assez de ductilité pour être employée ; peut-être aussi qu’étant mêlée avec celle qui sort de leur bouche, elle a toutes les qualités convenables pour être mise en usage. Quoi qu’il en soit, il est très-certain qu’on ne trouve aucun de ces fragmens dans la ruche, & que les abeilles fort occupées ne sortent point pour les emporter.