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les grands de l’état, leur vie s’écoule dans la mollesse des plaisirs, tandis que les ouvrières, toujours infatigables, prennent à peine quelques momens de repos ; elles ne craignent point de se livrer aux emplois les plus bas de la société, afin de maintenir leur habitation dans une grande propreté ; elles nettoient les édifices dès que les abeilles qui y ont été élevées en sont sorties, & emportent la dépouille qu’elles y ont laissée ; elles enlèvent toutes les ordures, les cadavres des citoyennes qu’elles ont perdues & qui pourroient causer une infection dangereuse à celles qui leur survivent ; elles vont chercher fort loin les matériaux pour la construction de leurs édifices, les préparent pour les employer, & bâtissent ensuite ce nombre prodigieux de cellules dans lesquelles sont élevés les sujets dont la reine peuple son empire. À mesure que les unes sont employées à construire les magasins, les autres voyagent dans les campagnes, pour amasser les provisions nécessaires pour la subsistance de tous les sujets de l’état, & viennent les déposer dans ces magasins publics. À peine la reine a-t-elle placé le germe de sa nouvelle famille dans les cellules, que les ouvrières viennent les visiter ; elles se présentent comme les nourrices auxquelles l’éducation du peuple qui va naître est confiée ; elles prennent soin de son enfance, pourvoient à ses besoins, & lui donnent la nourriture qu’il est dans l’impossibilité de se procurer : cette nourriture varie selon l’âge de leurs élèves, & chacun reçoit la qualité & la quantité d’alimens qui lui convient. Elles veillent jour & nuit à la sûreté publique, en faisant une garde exacte aux portes, pour prévenir les attaques de surprise, que pourroient tenter leurs ennemis. Si l’état est menacé d’une guerre, elles se présentent avec courage pour soutenir les assauts & livrer le combat à la troupe téméraire qui ose les attaquer dans ces momens de trouble & de confusion, la reine demeure paisiblement au milieu d’un nombre assez considérable de ses sujets, chargés de la garder & de la mettre à couvert des insultes de ses ennemis, qui viennent ravager ses états, tandis que les autres les défendent.


Section IV.

Quel est à-peu-près le nombre des abeilles qui composent une ruche.


Le nombre des abeilles qui sont dans une ruche, est relatif à sa qualité ; si elle est forte, on peut être assuré que sa population est d’environ trente-cinq à quarante mille au moins ; si elle est foible, le nombre de ses habitans sera peu considérable, peut-être de quinze ou vingt mille, & souvent beaucoup moins. Ce ne sont-là que des à-peu-près ; il n’est pas possible de savoir au juste le nombre des abeilles d’une ruche, à moins qu’on ne prenne la peine de les compter ; ce qui paroît d’abord très-difficile ; on peut cependant y parvenir, soit en les fumant fortement avec une espèce de champignon, qu’on nomme communément vesse de loup ; elles sont étourdies & immobiles pendant une bonne demi-heure ; on peut alors les compter, & les enfumer de nou-