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Section III.

Qualités salutaires de l’Air fixe.

Quiconque ne connoîtroit de l’air fixe que les propriétés destructives dont nous avons parlé, ne le regarderoit que comme un fluide nuisible & dangereux : mais on les oublie lorsqu’on pense que la médecine commence à en retirer de très-grands secours. Plus on fera d’expériences sur cet objet, plus on fera d’essais, & plus sans doute des succès heureux couronneront ces tentatives.

Nous avons vu (Sect. II.) que l’air fixe avoit une très-grande tendance à se combiner avec l’eau & avec tous les fluides aqueux. Il s’y dissout pour ainsi dire. Cette affinité étonnante fait, qu’une fois uni avec une certaine quantité d’eau, il ne s’en sépare que très-difficilement & ne l’abandonne point dans toutes les routes qu’elle parcourt. Il n’est donc pas à craindre que cet air, porté dans l’intérieur, y agisse comme agiroit l’air atmosphérique s’il y étoit introduit en grande quantité : c’est encore un point essentiel de leur différence. On conçoit facilement qu’une masse d’air atmosphérique, injectée, par exemple, dans le canal intestinal, y produiroit de très-grands ravages, par l’expansion qu’elle y acquerroit à raison de la chaleur intérieure du corps humain. Cet air distendroit ce canal, une irritation violente, des douleurs très-vives, peut-être une inflammation dangereuse en seroient les tristes suites : au contraire, l’air fixe s’amalgamant facilement avec tous les fluides aqueux, & leur restant adhérent, ne subit point d’autre dilatation que celle de ces mêmes fluides auxquels il est uni, pour ainsi dire, molécule à molécule. Il n’y a donc point de danger à craindre si l’on prend intérieurement de l’air fixe, ou pur, ou combiné avec une certaine quantité d’eau.

En décrivant ses effets salutaires dans différentes maladies, nous indiquerons les moyens les plus simples de l’employer avec succès.

La première vertu médicinale & la plus généralement reconnue de l’air fixe, est sa qualité antiseptique & antiputride. Ce fut M. Macbride qui s’en apperçut le premier. Réfléchissant sur la quantité d’air fixe qui s’échappe des substances animales parvenues au troisième degré de fermentation, c’est-à-dire à la fermentation putride, il pensa qu’elles ne subissoient cet état qu’à raison de l’air fixe qui s’en dégageoit ; & que si l’on pouvoit parvenir à empêcher ce dégagement, on parviendroit à arrêter les progrès de la putréfaction. Des morceaux de viande putréfiés, qu’il exposa dans une atmosphère d’air fixe, cessèrent effectivement de se putréfier davantage, & par-là confirmèrent son opinion. Il fut plus loin ; il imagina même qu’on pourroit faire rétrograder la fermentation putride, en rendant aux substances qui l’avoient subie, tout l’air qu’elles avoient pu perdre. Cette opinion ne peut être vraie que par rapport aux substances animées, & jouissant actuellement d’un mouvement vital, qui peut leur rendre toutes les parties volatiles & nutritives que la putréfaction avoit enlevées & détruites. Mais il est ridicule de penser qu’un