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les abeilles ; deux ou trois mille, qui voyageroient continuellement, qui feroient des courses très-multipliées, annonceroient une population de vingt-cinq ou trente mille. C’est le soir, quand elles sont toutes rentrées, ou le matin avant qu’elles partent, qu’on peut connoître si leur république est bien peuplée & fournie d’abondantes provisions : un petit coup sur la ruche, avec la jointure du doigt du milieu de la main, excite une commotion parmi elles ; si le bourdonnement qui le suit, est un son étouffé & à diverses reprises, la ruche est bien peuplée & fournie d’abondantes provisions : si la population, au contraire, est foible, & les provisions peu abondantes, le bourdonnement des abeilles est aigu, le son que rend la ruche qui a été frappée, est plus clair, & il finit presque au même instant qu’il a été excité. Pour savoir si la ruche est propre, si la cire n’est point noire ou moisie ; ce qui dénoteroit qu’elle est vieille, on la soulève légèrement en l’inclinant en arrière, & on se baisse pour examiner l’intérieur. On ne peut faire cette épreuve que de grand matin, ou le soir à la lumière, parce que la fraîcheur de la nuit, qui engourdit un peu les abeilles, modère leur grande vivacité, qui ne permet pas toujours de les examiner dans l’intérieur de leur république. Lorsqu’on apperçoit une cire belle & blanche ; qu’on ne voit point sur la table, ni ordures, ni mouches mortes, on peut être assuré que la ruche est habitée par de jeunes abeilles, pleines de vigueur, d’activité, & en grand nombre. Quand elles sont vieilles, que leur population est foible, la cire est noirâtre, quelquefois moisie & moulue vers le bas du domicile, qui rarement est propre, parce qu’il n’est habité que par un petit nombre de vieilles mouches, qui n’ont plus, comme dans leur jeunesse, les mêmes soins pour leurs ouvrages, & la propreté de leur habitation.

La blancheur de la cire qu’on remarque au bas de la ruche, est souvent un indice de la mauvaise foi du vendeur : ceux qui en font commerce, & qui veulent tromper les acheteurs, ont soin, au commencement du printems, de couper toute la cire qui est au bas : sa noirceur, sa moisissure décéleroient trop la qualité d’une mauvaise ruche, dont ils auroient de la peine à se défaire : les abeilles réparent cet ouvrage en cire neuve pendant la belle saison ; & en automne, sa blancheur annonce de jeunes abeilles, & par conséquent une bonne ruche. Il faut se défier de ces apparences ; ne point se contenter d’examiner seulement l’ouvrage qui est au bas : en renversant la ruche sur le côté, on observe si l’ouvrage qui est au fond répond à la fraîcheur de celui qu’on a remarqué en-bas : sans être aussi blanc, s’il n’est qu’un peu jaune, on n’est point trompé sur la qualité de la ruche, qui est très-bonne. Quand l’ouvrage qui est au fond paroît noirâtre, que la cire répand une odeur désagréable, comme si elle étoit échauffée, la blancheur de celle qu’on a remarquée à l’ouverture, n’est qu’une preuve de supercherie de la part du propriétaire.

On peut encore juger d’une bonne ruche par son poids ; mais cette