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56 LA VIE CANADIENNE LA VIE CANADIENNE LITTERATURE ET LITTERATEURS (Supplément au “Roman Canadien”) Publié dans le but de mettre plus de vie dans le monde littéraire canadien et de coopérer à l’oeuvre du “Roman Canadien”. Nous recevrons avec plaisir les manuscrits que l’on voudra bien nous soumettre. GERARD MALCHELOSSE Directeur Toute correspondance devra être adressée : “LA VIE CANADIENNE” Casier postal 969 MONTREAL même le livre le plus ordinaire ou le moins extraordinaire, le plus mal conçu, le plus mal fait, le plus mal écrit, tels ces romans populaires, qu’on déclare vulgaires et sans valeur, sortant chaque mois des presses de l’imprimeur. Et oui, ces misérables bouquins, ces pauvres loqueteux, ces êtres minables auxquels on ne daigne accorder pas même un regard de pitié ; ces solitaires, sans parents, sans amis, confinés sur les étagères du bouquiniste ; ces parias, qu’on abreuve de vomissures et de fiel, et qui, pourtant, n’ont jamais demandé plus qu’un rayon de jour et qu’on leur refuse ; oui, bien, tous ces pauvres bouquins-là, ces mélancoliques abandonnés, ces malheureux déclassés procurent, cependant, du pain au gueux, du feu au sans-gîte et quelquefois du confort. Ah oui !tout le bien qu’il fait dans l’humanité, ce triste bouquin !... Dès qu’il vient au monde, il se trouve sans père ni mère, il n’a pour tout nom que « Vient de paraître ». Aussi, voyez comment il est accueilli : le critique, oui, l’ineffable critique, «à moins que la paresse, le mépris ou la suffisance ou les trois à la fois ne lui engourdissent l’esprit et les doigts, s’empare de suite du téméraire, du fâcheux, de l’intrus. Le sort du malheureux livre est tôt fixé par une opinion faite à l’avance : « Ça ne vaut rien... c’est stupide. . . idiot. . . imbécile ! Quel est le misérable qui a osé mettre au jour une telle sottise. .. de telles inepties ? Qui a pu écrire de telles élucubrations ? (c’est le mot fameux qu’on a toujours). Mais tout ça, c’est du pastiche... de l’imitation ridicule... pas d originalité. . . pas de style. . . c’est un ragoût immonde ! Haro !sur le baudet... Cet auteur mérite la lapidation, la roue, le gibet ! Nous avons trop de tels écrivassiers, de telles fadaises, de telles médiocrités ! Oui, nous avons trop de bouquins, nous ne savons qu’en faire ! » Et coetera. . . Ainsi gémit toute la litanie du fringant critique, lequel, entre parenthèse, ne produit mieux qui vaille. Eh bien îvoyons un peu ce que fait dans le monde ce médiocre bouquin si méprisé <t si méprisable. En venant au jour il appor ;e du travail à l’homme de bonne volonté, tu pain au chômeur, comme le soleil apporcç sa lumière et sa chaleur. Voici d’abord le bûcheron qui abat les bois de la forêt, es bois qui serviront à faire du papier. Plis vient le flotteur de billots, sans parler d*s comparses (cuisinier et ses aides, contçmaître et ses seconds, commis, charretkr, rouleurs de billots, forgerons). Toute me équipe. . . cent équipes. . . mille équipes ! It sans parler du chemin de fer non plus. Toit cela, toute cette « engeance » abat la fort et en conduit ses bois à l’usine à pulpe, It là. tout cet essaim d’hommes qui peineit durement pour réduire ou convertir ce bos en pâte de laquelle on tirera le papier nécessaire à l’impression de ce pauvre bouge de bouquin tant maudit des hommes. Et cet ! usine qu’il a fallu édifier ! Et ces barrage géants qu’on a construits ! Ces villages qu’on i bâtis autour de l’usine ! Et ces machines, c fer. cet acier, ces cuivres, sans parler di • • ’ I . • / mineur qui a sue eau et sang et risque som vent sa vie pour tirer du sol le précieux métal !

Et voilà encore le chemin de fer ou le navire 

qui transporte ces pâtes ! Et voici le raffineur avec ses équipes, lui aussi, son outillage, qui fera du papier blanc et lustré de cette pulpe de bois ! Ah ! là encore, tous ces ventres affamés qui ont trouvé ration et double-ration !

Et le chemin de fer ou le navire

revient qui transportera ce papier chez l’imprimeur !

Et voici le prote, le typo ! Ne

parlons plus du mineur qui a tiré le plomb,