Page:Roux - La Question agraire en Italie, 1910.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nent chez eux et, sauf de courtes apparitions, ne reviennent qu’au moment de la récolte pour prélever la part du fermier, les avances qu’ils ont faites, les redevances qui leur sont dues et celles qu’ils s’adjugent ; ordinairement, ils font cultiver gratuitement par les colons un lot de terrain dont ils se réservent tout le produit.

Pour être impartial, je dois dire que, d’après les renseignements que j’ai recueillis, tous les caporaux ne se ressemblent pas ; il y en a qui sont de véritables forbans, de vrais marchands d’esclaves pour qui la traite des blancs est une source de profits scandaleux ; d’autres sont honnêtes et humains et n’exploitent les ouvriers que dans les limites admises par l’usage. Il faut remarquer aussi que les personnes qui s’élèvent avec le plus d’indignation contre les caporaux sont les étrangers, en particulier les fermiers de la Haute-Italie installés récemment dans l’Agro romano, et les urbains ignorants des questions rurales ; les notables des villages de montagnes d’où sont originaires émigrants et caporaux, tout en blâmant certains excès, sont plus modérés dans leur indignation et plus réservés dans leurs jugements. Quant aux ouvriers, ils subissent sans doute le joug du caporal sans enthousiasme, mais, n’étant pas capables de s’y soustraire, ils l’acceptent sans révolte, se résignent et même considèrent un peu le caporal comme le bon Dieu qui leur procure leur pain quotidien et à qui ils doivent un peu de reconnaissance.

Quoi qu’il en soit, on ne peut nier que le caporal, par ses prélèvements légitimes ou illégitimes,