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toutes perdu leur patrimoine ; ce sont elles qui constituèrent la féodalité militaire lorsque les troubles de la fin du VIIIe siècle et les incursions des Sarrasins obligèrent les habitants à organiser la défense. Le seigneur féodal n’est pas ici un conquérant étranger comme dans le royaume de Naples. Les défenseurs des droits de la propriété privée insistent sur ce point. Le féodal romain est un grand propriétaire revêtu d’une autorité publique sur un certain territoire ; sauf titre ou usage contraire, ses terres privées sont donc libres ; le féodal napolitain est au contraire un conquérant qui s’est attribué toutes les terres, mais qui, par là même, doit tolérer sur lesdites terres l'exercice des usages publics de la part de la population expropriée qui sans cela mourrait de faim ; de là le dicton : ove feudi, ivi usi civici, pas de fief sans usages publics.

Les jurisconsultes napolitains, considérant donc que les usages publics sont une conséquence ; naturelle du droit à la vie, enseignent qu’ils sont une dette de celui qui détient le pouvoir envers les personnes sujettes. Basant les usi civici sur le droit naturel, ils concluent logiquement qu’ils sont imprescriptibles et inaliénables. Ce serait très juste si l’humanité était figée dans l’immobilité et si, au XXe siècle, il n’y avait pas d’autres moyens d’existence qu’au Xe siècle. D’ailleurs, dès l’époque romaine, on trouve des usages publics en faveur de tous les habitants riches et pauvres, et les riches en profitent plus que les pauvres, puisqu’ils ont plus de bétail ; en outre, les usagers pouvaient affermer leurs terres,