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LE CENTURION

— « Qu’est-ce que la Vérité ? se demanda-t-il en hochant la tête. Je n’en sais rien, et personne n’en sait rien. Qui sait si ce Jésus, qui me paraît innocent, n’est pas coupable ? Et puis, il ne se donne pas la peine de répondre à tout ce que l’on dit contre lui.

« Pourquoi prendrais-je sur moi de le défendre contre les chefs de sa nation, qui me dénonceront à Rome et qui demanderont mon rappel ?

« Les sanhédrites l’ont condamné ; ils affirment qu’il est coupable, et qu’il mérite la mort. Je suis donc seul à le croire innocent. Or les instructions que j’ai reçues de l’empereur me recommandent d’éviter tout conflit avec les chefs du peuple Juif.

« Je prendrai donc leur avis, et puisqu’ils veulent absolument sa mort, je la décréterai.

« Il n’est pas citoyen romain. Il est Juif, et puisque sa nation ne veut pas de lui, puisqu’elle veut le supprimer, je serais bien sot de me mettre en travers de la volonté du peuple, au risque d’être moi-même…

« Et cependant, cet homme n’a commis aucun crime, et ce serait une noble action de le prendre sous ma protection, et de répondre à cette tourbe hurlante : « Je ne puis pas vous permettre de verser un sang innocent. Vous m’avez vous-mêmes amené cet homme ; il est sous la garde et la protection de Rome, et tant que vous ne m’aurez pas convaincu qu’il a commis un crime, je ne vous le livrerai pas. »