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LE CENTURION

Peu à peu, l’Esprit du mal entra plus profondément dans son âme, et lui représenta, comme un acte d’indépendance et d’affranchissement, la livraison de son maître à ses ennemis.

Il y avait trois ans qu’il le servait, sans profits. Il en avait assez de cette vie misérable de nomade, et il lui semblait juste de songer à son avenir.

Les princes des prêtres récompenseraient mieux ses services, et pourraient sans doute lui donner plus tard une situation lucrative.

D’ailleurs, lui suggérait encore l’Esprit du mal, Jésus, le grand faiseur de miracles, saurait bien se tirer des mains des prêtres ; et dès lors, sa livraison avait peu d’importance.

Mais, une fois consommé, le crime prit tout à coup aux yeux mêmes de Judas des proportions énormes. Le démon lui en montra toute la scélératesse et l’horreur, et il comprit qu’il était un monstre d’ingratitude et de perversité. Il l’avait trahi, ce maître si bon, si doux, si miséricordieux, qui lui avait pardonné tant de fois ses vols et ses infidélités ! Il l’avait trahi et vendu pour trente deniers, cet homme merveilleux, chef-d’œuvre de la nature et de la grâce, miracle d’amour, de savoir et de puissance, dont les bienfaits étaient innombrables !

Quelle infamie et quelle honte !

Un désespoir violent s’empara de tout son être ; et tous ses projets, tous ses rêves, tous ses raisonnements firent place dans son esprit à l’idée fixe du suicide.