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Allons aussi jeter un coup d’œil sur cette maison en briques rouges qui porte le No. 30 de Merrion Green South. C’était la résidence d’O’Connell.

Tout ce qui a appartenu aux grands hommes, tout ce qui rappelle leur souvenir émeut profondément. La vue de cette maison d’apparence modeste, de ce balcon de pierre d’où le plus grand des orateurs modernes adressa tant de fois la parole à son peuple me plonge dans une mélancolie rêveuse. L’ombre de ce grand catholique me poursuit ; je la vois partout dans Dublin, et il me semble que l’Irlande porte encore visiblement son deuil.

Sur les quais, au moment où nous embarquons à bord du Lord Lyons, je crois retrouver encore une figure de ce malheureux peuple, dans un petit chanteur en haillons, à la figure pleine d’intelligence et d’expression, portant une espèce de guitare en bandoulière et chantant d’une voix mélancolique les vieilles mélodies de son pays.

La Harpe d’Erin chante ses infortunes ; mais elle chante toujours, et si elle ne peut pas disputer le pouvoir à sa puissante dominatrice, elle lui dispute encore la gloire ! Elle produit toujours des poêtes, des orateurs et des martyrs ! La claymore est vaincue, mais la foi triomphe encore.