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verre d’une liqueur empoisonnée, et le vide d’un trait.

Puis, souriant d’un air égaré :

— « C’est la mort que je viens de boire, dit-elle, me crois-tu maintenant ? »

— Ce n’est pas la mort, reprend Maurice, c’est la vie ! c’est l’amour ! c’est le salut ! Je te crois… Je t’aime !

Alors il lui découvre que la fiole qu’elle vient de vider n’est pas du poison. Il en a furtivement changé le contenu.

Et pendant que défaillante d’émotion, son éventail à la main, elle se laisse cheoir dans un fauteuil, il lui crie : « Oui je te crois, oui je t’aime !… jamais épouse ne reçut d’un homme au pied des autels plus de foi et plus de respect que ton amant ne t’en consacre à la face du ciel… »

Ce rapprochement entre l’époux et l’amant est tout simplement horrible. C’est le mariage de la religion de l’avenir, de cette foi nouvelle où le mystère de la Rédemption sera la rencontre fortuite d’une prostituée lasse et d’un débauché blasé, qui se marieront non pas au pied des autels, mais à la face des étoiles !

À vrai dire, le mariage à la face des étoiles ne vaut guère moins que celui que l’on fait tous les jours à Paris devant M. le maire de l’arrondissement.