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Le P. Monsabré est robuste et de bonne taille. Sa figure est énergique et distinguée, ses traits sont accentués, sa voix puissante, son geste large et dominateur.

C’est avant tout un philosophe et un théologien, et il a choisi Saint Thomas pour guide. Mais le philosophe n’exclut pas l’orateur, et c’est sur les ailes de l’éloquence qu’il nous emporte aux plus hauts sommets de la Métaphysique.

Comme orateur, il a du souffle, et de l’ampleur, je devrais peut être dire de la rondeur. Moins encore que le P. Félix, il ne ressemble à Lacordaire ; il n’a pas ce feu dévorant et ces transports indisciplinés de son maître. Mais il a beaucoup plus de science, de logique et d’élévation véritable dans la pensée.

Sa parole plane toujours dans les hauteurs de la théologie catholique ; elle n’est pas froide cependant, et se laisse parfois entraîner à des mouvements passionnés qui électrisent l’auditoire.

J’en veux citer un exemple mémorable.

Les lugubres années de 1870-71 avaient passé sur la France, et deux provinces de cet infortuné pays avaient été cédées à l’Allemagne.

Le P. Monsabré avait prêché le carême à Metz, qui est la tête de la Lorraine, et le jour de Pâques il célébrait avec cette population affligée la résurrection du Sauveur. En terminant il s’émut profondément en présence de cette multitude qui pleurait sur le tombeau de sa nationalité, et il lui laissa cet adieu poignant et plein d’espoir :