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doute la plus illustrée de ce siècle, puisqu’on y a vu monter successivement les P. P. Lacordaire, de Ravignan, Félix, Hyacinthe et Monsabré.

Les deux premiers sont morts, mais leur gloire et leurs enseignements ont survécu. M. Loyson vit encore, hier à Genève, aujourd’hui à Paris, demain à Salt-Lake city peut-être ; mais le Père Hyacinthe n’est plus vivant, et l’Église a plus de raison de le pleurer que s’il était mort corporellement. Il m’a été donné d’entendre les deux survivants de ces illustres conférenciers, le P. Félix et le P. Monsabré, et je veux essayer de vous peindre en quelques coups de crayon ces deux princes de l’éloquence sacrée.

On connaît, ce lieu commun de collège : « Nascuntur poetæ, fiunt oratores. » Il n’est pas vrai à la lettre, et s’il arrive quelquefois qu’à force de travail un homme devienne orateur, il est plus fréquent de rencontrer parmi les orateurs des hommes qui sont nés tels. Pourquoi ? Parce que si l’on peut être poête, sans être orateur, l’on ne peut guère être un grand orateur sans être un peu poête.

Je me hâte de dire que c’est là une règle générale qui admet des exceptions, et tous ceux de mes lecteurs, qui ne sont pas poêtes, ont droit de se ranger au nombre des exceptions, et de cueillir la palme de l’éloquence.

Lacordaire fut un véritable orateur ; mais il était né avec ce don, et dès son plus bas âge sa bonne, nommée Colette, raconte qu’il faisait déjà des sermons dans une petite chapelle que sa mère lui avait ar-