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PARIS

et que j’y ai constaté avec chagrin l’inobservation presque générale du jour du Seigneur.

Presque toutes les boutiques étaient ouvertes, et partout sur mon chemin, il m’a semblé que le mouvement des affaires, du commerce, de l’industrie, était plus actif que jamais. Les travaux de percement du boulevard St-Germain se poursuivaient rapidement, et une foule d’ouvriers en blouse démolissaient, déblayaient, charroyaient, et rebâtissaient.

Je cheminais au milieu des ruines. De chaque côté, des murs entiers s’abattaient sous l’effort des cabestans, et de hautes cheminées, restées debout pour protester contre la démolition et contre le travail du dimanche, se couchaient à leur tour dans la poussière des décombres. Les chariots, qui en emportaient les débris, se croisaient avec d’autres chargés de nouveaux matériaux, pierres, briques, ciment, poutres et colonnes.

La rue était encombrée, et l’air retentissait de mille bruits et de clameurs, mêlées de blasphèmes.

L’activité humaine est certainement très louable, et ce doit être un beau spectacle pour le ciel que de contempler les hommes courant comme des abeilles industrieuses autour de cette ruche qu’on appelle la terre. Mais le travail du démolisseur a quelque chose qui attriste, surtout quand il démolit — en même temps que des édifices — une loi du Décalogue.

A un autre point de vue, quand on songe à tous les labeurs que ces constructions ont coûtés, à toutes les existences qu’elles ont abritées, à tous les souve-