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PARIS

alarmant de décadence. Lorsque Athènes et Rome furent arrivées comme Paris moderne à l’apogée du luxe et de la richesse, et devinrent pour le monde civilisé d’alors les capitales du plaisir et des jouissances matérielles, la corruption les gangrenait, et leur déchéance commençait.

Ainsi en est-il de Paris.

Ville superbe, splendide, éblouissante, mais qui s’achemine vers cette civilisation énervante que Juvénal et Pétrone ont si justement flétrie dans leurs satires.

Aussi l’étranger — quand il est jeune — n’y fait-il jamais un long séjour sans danger. Il y a là dans l’air qu’il respire, dans l’odeur que l’asphalte exhale, je ne sais quoi qui lui monte à la tête, et lui fait croire qu’il est quelque chose. Après quelques semaines, ce n’est pus sans quelque satisfaction qu’il se regarde passer dans les vitrines des boulevards. Il se sent gagner par une agréable impression d’amour propre, et le jour vient où il secoue le joug de toute autorité et de tout respect, en même temps que le plaisir corrompt son cœur.

Ce qui l’enchante pardessus tout, ce qui est plein de séduction pour sa jeunesse, c’est que Paris lui semble si vivant ! Il ne peut y faire un pas sans y rencontrer, surabondante, florissante, coulant à pleins bords, la vie physique, la vie organique. Partout la sève circule, comme, dans la forêt quand le printemps s’épanouit. Son cœur se dilate à ce spectacle d’efflorescence et d’agrandissement ! il s’y livre; il s’aban-