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rez peut-être vous faire une image de ces gracieuses coupoles

Sur l’un des côtés de la Cour des Lions s’ouvre la salle des Abencerages, et sur l’autre, la salle des deux Sœurs, ou des Favorites. Dans la première eut lieu, suivant une légende que plusieurs historiens ont acceptée comme un fait historique, le massacre des malheureux Abencerages au nombre de trente-six, et l’on nous montre encore le pavé de marbre que l’on croit taché de sang, mais qui en réalité n’est que rouillé. Dans la seconde, ont dû s’accomplir bien des événements, moins sanglants mais plus romanesques encore. Car c’est là que les sultanes endormaient leurs rêveries, et se penchaient aux balcons de leurs miradors, pour aspirer les parfums des orangers en fleurs.

D’autres arcades nous introduisent dans la salle des Ambassadeurs, spacieuse et non moins ornée que les autres. Mais ici un souvenir historique absorbe notre attention, et ce n’est pas sans émotion que nous nous reportons à l’époque des mémorables événements que cette salle nous rappelle.

C’était en l’année 1492. Gonzalve de Cordoue venait enfin d’expulser définitivement les Maures de l’Espagne, et les rois catholiques avaient remplacé les Musulmans dans les somptueuses demeures de l’Alhambra. Ferdinand et Isabelle avaient réuni leur cour dans cette salle, et donnaient audience à un ambassadeur d’un nouveau genre. Car l’ambassade qu’il sollicitait devait le conduire vers un pays que personne ne connaissait encore, et dont l’existence était même problématique.