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Ce n’est pas la majesté, ni l’élévation de l’art gothique. Ce n’est ni la régularité de l’art grec, ni l’étrangeté des formes égyptiennes. C’est un art oriental nouveau, ayant sa propre originalité, et ses règles propres.

Sans doute, il s’est révélé à Fez, à Tunis, au Caire, à Constantinople, et il y a produit des œuvres monumentales. Mais c’est ici, sous le beau ciel de l’Andalousie, au souffle des brises embaumées qui descendent des Sierras, parmi les palmiers qui courbent leurs grands éventails, c’est ici que l’art d’Islam a donné la mesure de sa force, et produit son plus beau joyau.

À chaque extrémité de la Cour des Lions s’avance un pavillon, formé de colonnes qui supportent une coupole, et ces colonnes, comme celles qui s’alignent autour du promenoir, sont tantôt géminées, tantôt isolées, et tantôt groupées de manière à former une perspective enchanteresse. Les arceaux, découpés comme une dentelle, sont de dimensions et de formes différentes ; les dessins des ornements sont variés à l’infini ; les plafonds sont sculptés et peints avec une exubérante richesse. Mais les coupoles sont peut-être ce qu’il y a de plus beau.

Tantôt coniques, tantôt pyramidales, octogones ou hexagones, imitant ici une orange, et là l’écorce de l’ananas, elles sont creusées, bosselées, fleuries, ciselées, coloriées et dorées.

Supposez un petit peuplier lombard très feuillu, couvert de givre et de glace ; imaginez les rayons du soleil jouant dans ces prismes mobiles, et y multipliant à l’infini toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, et vous pour-