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ciselures des arceaux forment un brocart si délicat que les femmes s’en couvriraient volontiers les épaules, comme de la plus admirable mantille. Il y a des coupoles si mignonnes, si jolies, si finement, ouvragées et brodées, si admirablement peintes qu’elles pourraient servir d’ornement à la plus belle tête d’Andalouse.

En faisant le tour de la Cour des Myrtes, par la droite, nous arrivons d’abord à une large porte qui conduisait jadis au palais d’hiver des rois maures. Malheureusement, les artistes de Charles-Quint ont eu la malencontreuse idée de détruire ce chef-d’œuvre, pour y élever un vaste palais dans le style de la Renaissance, et cette construction massive, et sans élégance, est restée inachevée. C’est maintenant une ruine disgracieuse dont les quatre murs font l’effet d’un édifice incendié.

Plus loin, toujours à droite, nous entrons sous une petite arcade délicieuse, attirés par l’admirable perspective qui se déroule au-delà, et, après quelques pas, nous poussons des cris d’enthousiasme : nous sommes dans la Cour des Lions.

C’est la merveille de ce monde de merveilles. Rien ne peut rendre la beauté de la colonnade, le luxe des ornements, le fini des détails, la symétrie des lignes, le charme des perspectives.

Quelle grâce et quelle légèreté dans ces arcades ! Quelle élégance et quelle harmonie dans ces coupoles ! Quelle originalité et quels caprices dans ces dessins ! Quel art dans cet ensemble d’ornements composés d’inscriptions arabes tirées du Coran ! Car les murs et les voûtes de l’Alhambra sont couverts de six mille six cent soixante six textes de l’œuvre de Mahomet.