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La mosquée n’a rien de tout cela ; elle déroule à perte de vue l’admirable perspective de sa colonnade, mais elle rampe. Elle ne se détache pas de terre, et ne manifeste aucun effort pour s’élever.

L’art musulman ignore, du reste, la peinture et la statuaire. Que dis-je ? Elles lui sont interdites. Car le Koran lui dit :

Ô croyants ! les statues sont une abomination inventée par Satan !

Pendant que je faisais ces réflexions, un train omnibus (il n’y en a pas d’autres dans cette partie de l’Espagne) m’emportait vers Grenade, et faisait courageusement ses dix ou douze milles à l’heure. Les chevaux du Prophète allaient plus vite, quand ils couraient à la guerre sainte.

Le soleil s’était enveloppé de nuages gris, comme un Marabout dans sa gandoura. Il pleuvait. Mais nous traversions le pays le plus pittoresqe et le plus fertile du monde. Les vignes couvraient les flancs des collines, les oliviers en couronnaient les sommets, les aloès et les figuiers de Barbarie tapissaient les rochers, et les oranges brillaient comme des bijoux d’or dans la verdure des bosquets.