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C’est qu’en effet cette impression est irrésistible, et que la comparaison est absolument vraie. Mais il me semble qu’elle serait plus fidèle encore, si l’on ajoutait que les arbres qui la composent sont des palmiers.

Supposez donc une enceinte, large de quatre cent vingt pieds et longue de quatre cent quarante, plantée de palmiers symétriquement alignés, et assez rapprochés pour que leurs palmes se rejoignent et forment des arcs ; supposez que les troncs de ces palmiers soient de marbre, de jaspe, de porphyre, de brèche violette et verte, et forment des allées qui s’étendent à perte de vue dans toutes les directions ; supposez enfin que les palmes, formant les arceaux, soient alternativement blanches et roses, et s’entrelacent à deux rangs superposés, et vous aurez une idée encore imparfaite de cette étrange architecture.

C’est au centre de cette immense futaie qui contenait, dit-on, 1200 colonnes que l’on a construit la cathédrale ; et tout le monde s’accorde à dire que ce fut une faute, car ce bloc de pierre brise l’unité du monument, et détruit en grande partie l’incomparable beauté de ses perspectives. Mais d’autre part il faut reconnaître que c’est l’église qui a sauvé la mosquée de la destruction. Après l’expulsion des Maures, en effet, presque toutes les mosquées qui couvraient l’Andalousie ont été détruites par le zèle exagéré des chrétiens ; mais la mosquée de Cordoue fut sauvée parce qu’on en fit le vestibule colossal d’une église catholique.

Quand on parcourt les trente six nefs formées par les colonnes de la mosquée, et que l’on aperçoit au milieu