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Les rues de la ville sont étroites et tortueuses, et dans les vieux quartiers l’on ne pourrait pas circuler en voiture. Aussi n’y rencontrons-nous que des piétons et de petits ânes. Quand ces derniers sont bâtés de paniers, il faut se ranger le long des murs pour leur donner l’espace suffisant. Ces excellentes bêtes de somme font ici tous les transports, et je crois qu’elles font partie de la famille ; car j’en ai vu qui entraient sans cérémonie dans les maisons.

De chaque côté de la rue se dressent de hautes murailles, badigeonnées de jaune ou de blanc, percées de très rares fenêtres grillées, et je crus d’abord que nous errions dans un quartier inhabité. Rien ne semblait devoir jamais troubler la solitude et le silence dans ces ruelles profondes, qui ressemblent aux corridors d’une catacombe.

Mais bientôt la vie intérieure de cette ruche humaine se révéla. C’était le matin ; les portes s’ouvrirent, et à travers de jolies grilles peintes, nous aperçûmes les patios, qui font l’effet d’apparitions lumineuses. Il semble que l’on se promène dans un purgatoire, et que l’on a, de distance en distance, des échappées de vue sur un coin du ciel.

Il y a une grande variété de patios, mais la plupart sont des cours intérieures, pavées en marbre ou en mosaïque, entourées d’un promenoir à arcades et à colonnes comme les cloîtres, ornées de fleurs, de peintures, ou de statues, et rafraîchies par un jet d’eau qui murmure dans une vasque de marbre. Les promenoirs sont souvent à double étage, avec des colonnades de