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dire à un historien espagnol que c’était le démon qui se désolait de l’abaissement de l’Islamisme.

Ce qui est certain c’est que la décadence de l’Islamisme en Espagne a commencé réellement après la mort d’Almanzor, d’abord par les dissensions entre les prince musulmans et ensuite par les hauts-faits des chevaliers chrétiens. C’était l’époque où le Cid allait remplir l’Espagne de sa gloire.

Tous ces souvenirs d’une époque, où les grands califes de Cordoue étaient encore puissants et riches, forment un contraste saisissant avec les débris et les ruines, que nous avons maintenant sous les yeux.

Puissance et fortune, trônes et couronnes, armées innombrables et somptueux Alcazars, tout a péri ; et les blocs de marbre et les cendres des émirs sont aujourd’hui confondus dans la même poussière.

Seuls les jardins sont toujours féeriques, et justifient le chant du roi Alphonse de Castille dans la Favorite:

« Jardins de l′Alcazar, délices des rois Maures,
Que j’aime à promener sous vos vieux sycomores
Les rêves amoureux dont s’enivre mon cœur ! »

Et cependant, Abd-El-Rahman III, qui avait eu cinquante ans de gloire et de succès, écrivait ici avant de mourir que, pendant ce long règne, il n’avait eu que quatorze jours de bonheur ! Que de pauvres diables en ont davantage !

Il fut un temps, où de la terrasse de ce palais, le roi musulman, regardant au delà du fleuve, y apercevait des chrétiens pendus à des poteaux. Quand ce spectacle l’importunait il les faisait brûler.