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Personne n’ignore que le caractère de l’islamisme était essentiellement militant, qu’il a dû au cimeterre toutes ses conquêtes, et que le coran promettait le paradis à tous les guerriers qui combattaient contre le nom chrétien.

Mohammed-El-Mansour fut sous ce rapport une des gloires de l’Islamisme, et l’on assure qu’il fit contre les chrétiens cinquante deux expéditions.

Convaincu que le chemin de la guerre est le chemin de Dieu, et que, suivant un verset du Coran « celui dont les pieds se couvrent de poussière dans le chemin de Dieu est préservé du feu éternel, » Almanzor avait pris dans ses expéditions une étrange habitude.

Il faisait secouer avec beaucoup de soin, chaque fois qu’il revenait du champ de bataille à sa tente, la poussière qui couvrait ses habits et la recueillait dans une cassette, afin qu’à l’heure de sa mort on couvrît son corps de cette poussière dans son tombeau. Cette cassette l’accompagnait dans toutes ses campagnes, et quand il mourut des blessures qu’il avait reçues à la bataille de Calatañazor, et du chagrin d’avoir été vaincu, on l’enterra avec ses vêtements, et on le couvrit de la poussière recueillie dans ses nombreuses batailles.

On a amplifié la vie et la mort de ce calife fameux de beaucoup de récits merveilleux. Ainsi l’on a raconté que le jour même de la bataille de Calatañazor on entendit aux bords du Guadalquivir un pêcheur qui déplorait dans des chants lamentables, tantôt arabes, tantôt espagnols, les désastres d’Almanzor. Mais quand on s’approchait de ce pêcheur il disparaissait, ce qui a fait