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dans leur style oriental, il ne reste plus que quelques débris, à peine dignes d’attention. Quelques pans de murs qui croulent, quelques colonnes brisées, et quelques blocs de pierre jonchant le sol, voilà tout ce qui est resté de ces splendides demeures où vécurent le puissant Almanzor, et le grand Abd-el-Rhaman III.

Ce dernier fut l’un des plus illustres califes de Cordoue, et pendant la paix il favorisait le culte des arts. À quelques milles de Cordoue, sur les bords du Guadalquivir, il fit même bâtir toute une ville de palais qui fut nommée Medina-al-Zarah, ville de la fleur, et dont les splendeurs étaient telles que l’on croit rêver en en lisant la description.

Voici les détails que je recueille dans un historien de l’Espagne :

« Le palais que Abd-el-Rhaman III y fit élever était assez grand pour loger toute sa cour avec une garde de 12,000 cavaliers. Il était couvert de toits dorés, et soutenu par quatre mille trois cents colonnes des marbres les plus précieux. Le pavé, les murs étaient de jaspe, ou de ce stuc de couleur éclatante dont quelques monuments arabes conservent encore des restes admirables, mais dont le secret semble perdu. Le bois de cèdre était le seul qui eut été employé dans la construction. Les plafonds étaient peints d’or et d’azur, ornés d’arabesques en relief et de ciselures du travail le plus délicat. Un jardin délicieux, où croissaient toutes les plantes du monde connu, entourait cette magnifique demeure. Parmi les pavillons de marbre et d’albâtre dont il était embelli, on distinguent le pavillon où Abd-el-Rhaman venait se reposer des fatigues de la chasse.