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CERVANTES

Poète et chrétien. — Voyage au Parnasse. — Les poètes.

En sortant du palais des Cortès, je me suis arrêté en face de la statue de Cervantes. C’est une œuvre assez médiocre ; mais le sculpteur a su mettre sur les lèvres du poète le sourire amer que devait avoir ce grand moqueur un peu misanthrope.

Quand je lis ses œuvres, il me rappelle Molière par sa verve, son esprit, sa gaité, sa profonde connaissance du cœur humain, et aussi, malheureusement, par la crudité révoltante de certains récits et tableaux. Mais s’il a commis quelques-unes des fautes de Molière, il a su se les faire pardonner en souffrant et combattant pour sa foi.

S’il a adressé parfois des paroles bien dures aux prêtres, s’il a tourné souvent les moines en ridicule, il n’en a pas moins cru à l’Église avec toute la fermeté d’un vrai chrétien. Il a pris les armes pour sa défense, il s’est battu comme un héros à Lépante, et il y a perdu un bras ; il a subi plusieurs années de dure captivité chez les Maures, à Alger. L’Église n’a pas oublié ces grandes actions, et aujourd’hui encore elle prie pour lui.