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ce pas malheureux de voir ce peuple si catholique se diviser ainsi pour la politique ?

Il va sans dire que les partis s’accusent réciproquement, ici comme ailleurs, de corruption et de malhonnêteté.

Il y avait jadis en Espagne beaucoup de contrebandiers, qui ne voyaient aucun mal dans le métier qu’ils exerçaient. « Nous volons le gouvernement, disaient-ils, mais le gouvernement nous vole le premier avec ses taxes et contributions » ; et ils citaient ce proverbe andalou : « celui qui vole un voleur gagne cent ans d’indulgence ! »

Les politiciens d’Espagne raisonnent peut-être comme les anciens contrebandiers. Au reste, dans certains pays, qui ne sont pas dans la lune, je connais des hommes politiques qui ne sont ni Espagnols, ni contrebandiers, et qui ne sont pas plus scrupuleux avec le gouvernement.

Les Andaloux disent encore : « trois choses forment un homme, la science, la mer et la maison du roi ! »

Pourquoi la maison du roi ? Parce qu’elle représente la faveur, et contient les caisses de l’État.

Mais quittons le terrain glissant de la politique, et parlons plutôt littérature.

Je me suis fait montrer les principaux orateurs de l’Espagne contemporaine : Canovas, l’un des hommes les plus remarquables de l’Europe, Pidal, brillant représentant des Carlistes, Rios Rosas, Martos, Rodriguez, et surtout Emilio Castelar, que les Espagnols proclament le plus grand orateur de l’Europe.