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d’une quinzaine de villes, qu’il devait administrer et dont il nommait les gouverneurs et les magistrats ; et c’est ainsi que l’illustre religieux eut à promouvoir, à la fois, les intérêts de son ordre, ceux de son diocèse, et ceux du royaume.

Mais des travaux plus importants encore réclamèrent bientôt sa rare activité et son vaste génie.

Ferdinand et Isabelle avaient enfin conquis le royaume de Grenade par les armes de Gonzalve de Cordone, le grand Capitaine. Mais il fallait affermir cette conquête, et ce n’était pas une œuvre facile, puisque la capitale même du royaume comptait encore plus de deux cent mille musulmans.

Ximénès conseilla au roi et à la reine d’aller fixer leur résidence à Grenade, et il dut les y accompagner ; car il était devenu l’homme d’État indispensable dans les circonstances difficiles que faisaient à l’Espagne ses récentes conquêtes.

C’est donc à Grenade que nous retrouverons le grand homme.

À quelques pas du couvent des Cordeliers, nous traversons un petit jardin, et nous nous heurtons à un mur blanchi à la chaux. Une vieille femme nous ouvre une porte basse, et sous nos yeux s’allongent cinq nefs étroites, avec un beau pavé en mosaïque, et séparées par des colonnes et des arceaux mauresques.

Qu’est-ce donc que cet édifice étrange que rien à l’extérieur ne fait soupçonner ? Est-ce une synagogue, une mosquée, ou une église ? C’est tout cela, à la fois ; ou plutôt c’est bien un temple du Dieu vivant, mais qui