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Le train cheminait assez lentement pour éprouver rudement notre patience. Mais voici qu’enfin il traverse un petit fleuve verdâtre, c’est le Tage. La campagne change un peu d’aspect. Quelques bouquets d’arbres apparaissent aux bords du fleuve, et sur notre droite se dessinent bientôt les ruines d’un vieux château, que l’on appelle encore le palais Graliana.

Qu’est-ce donc que cette ruine qui dresse encore aux bords du Tage deux tours couronnées de créneaux, et des murs jaunis que le temps a ébréchés ? Écoutez ce que répond la légende. Là vécut jadis le roi Galafro, avec sa fille Galiana, éblouissante de beauté. Charlemagne encore jeune y vint, et fut épris d’elle ; mais il rencontra un rival dans un roi maure géant qui le provoqua en duel. Charlemagne sortit vainqueur du combat, convertit Galiana au christianisme, et l’épousa. Les Tolédans croient à ce roman.

Encore quelques tours de roues, dans autant de minutes, et nous apercevrons Tolède, couronne monumentale placée sur une montagne de calcaire.

Sur le bord des rochers taillés à pic s’écroulent ses antiques fortifications et ses vieux châteaux. Toutes ces ruines sont suspendues sur nos têtes à une hauteur énorme, découpant sur le ciel bleu leurs silhouettes déchirées et leurs teintes brunes et fauves. Au temps de sa gloire, Tolède était la capitale du royaume des Goths, et comptait plus de 200 000 habitants.

Elle était une des villes les plus anciennes de l’Espagne, et fut le siège d’un grand nombre de Conciles pendant les sixième et septième siècles.