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son gré quelques entre-chats ou cabrioles avec ses pieds de derrière. Pastora sauta légèrement sur sa monture, et Mohino, de plus mauvaise humeur que jamais, baissa la tête, laissa pendre ses oreilles comme deux sacs vides, jeta un dernier regard langoureux à son écurie, soupira, et suivit en silence la caravane.

Lorsque l’on fut arrivé, on attacha les chevaux aux oliviers, et on laissa les ânes paître en liberté. Mohino alla, comme les autres, à quelque distance ; puis, après un instant de réflexion, il leva la tête, dressa ses deux oreilles, arrêta ses grands yeux impassibles sur l’endroit où étaient ses maîtres, examina ce qui s’y passait, puis, bien sûr que tous étaient entrés dans la chapelle, il se retourna d’un air indifférent et, sans rien dire à ses compagnons, il reprit à petits pas le chemin du village.

Pendant ce temps, Pastora et ses amis avaient entendu la messe, fait leurs prières, déjeuné sur l’herbe sèche et parfumée, en chantant et en riant. Ils virent avec peine les rayons du soleil, déjà obliques, traverser les feuilles étroites des oliviers.

« Allons, il est temps de retourner à Utrera, dirent les mères. La nuit marche plus vite que les ânes, elle nous attrapera en route. »

Les hommes se mirent à la recherche des montures.

« Eh ! Mohino ! Mohino ! viens donc, bourrique ! Maudites soient tes longues oreilles qui ne te servent pas même à entendre qu’on t’appelle, Mohino !

— Rien !

— Mon Dieu ! dirent les femmes, comment faire ? Comment Pastora retournera-t-elle au village ?