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buvant du chocolat, du café, ou des liqueurs ; mangeant des bollos — espèce particulière de gâteaux — jouant aux dominos, et discutant avec animation la politique du jour.

J’ai voulu me mettre un peu au courant de la politique espagnole ; mais j’ai dû y renoncer, c’est un labyrinthe. La diplomatie étrangère doit s’y trouver constamment désorientée. Les partis sont au nombre de quinze ou seize, et les nuances qui les séparent ne sont appréciables que par des yeux espagnols.

Il fait bien froid ici en décembre, et les vents qui descendent des hauts plateaux de la Castille sont insupportables. Les chambres d’hôtel sont glacées, et l’on ne trouve le confort d’un feu de grille que dans le fumoir et la salle à dîner.

Quand la cheminée est trop entourée, il ne reste plus qu’une ressource contre le froid : se mettre au lit et se charger de couvertures.

C’est là que je m’installe pour lire, dans la soirée, les Nouvelles Andalouses de Fernan Caballero. Elles sont pittoresques, originales, charmantes, et l’on m’assure qu’elles sont de vraies peintures des mœurs espagnoles contemporaines.

Fernan Caballero est un pseudonyme qui cache le nom d’une femme remarquable, vivant tantôt à Cadix, tantôt à Séville.[1]. Ses nouvelles ont obtenu un très grand succès, et elles le méritent. Elles reproduisent les croyances pieuses, les poétiques légendes, les cou-

  1. Dona Cécilia Bohl de Arrom.