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Nous reprenons la mer à bord du steamer Mohammed-el-Sadeck, nom du dernier bey de Tunis. Le ciel et la vague rivalisent d’éclat et de limpidité. Nous côtoyons la rive africaine, et bientôt nous avons dépassé La Calle, repaire de lions et de panthères, et Bizerte où nous voyons plusieurs embarcations faisant la pêche au corail.

À notre droite, défilent les promontoires, les îles, les baies, les villages arabes, les blanches mosquées couronnées de minarets, et bientôt la nuit descend et dérobe la côte à nos regards.

Vers dix heures du matin, le lendemain, nous avons devant nous la jolie baie de la Marsa, un village arabe perché sur un rocher, les ruines de Carthage et la chapelle de Saint-Louis : et par-dessus la jetée où la Groulette est assise, nous voyons blanchir la grande ville de Tunis. Un petit chemin de fer nous y transporte de la Groulette où nous débarquons, en faisant le tour d’un grand lac salé.

Tunis est la ville orientale par excellence, et sa vue doit impressionner vivement les touristes européens qui la choisissent comme première étape d’un voyage en Afrique. Mais nous commençons à nous familiariser avec les villes arabes, et l’aspect de Tunis ne nous a pas émerveillés.

Très populeuse, très malpropre, pleine de palais et de mosquées, la ville est paresseusement couchée au fond d’une baie croupissante sous un soleil de plomb.

Rien de banal et d’ennuyeux comme le quartier européen, et surtout le boulevard de la Marine. C’est plus qu’un hors-d’œuvre, c’est un anachronisme, une anomalie, une contradiction.