Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/393

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 396 —

La principale attraction de Bône pour moi, c’était le voisinage des ruines d’Hippône, et je n’ai pas tardé à y courir. Mais il n’en reste presque plus rien. Quelques débris des anciens thermes, des blocs de pierre et quelques fûts de colonnes éparpillés sous de grands arbres qui ombragent une colline, voilà tout ce qu’on retrouve de la ville florissante dont les histoires de Rome et de l’Église nous ont transmis le souvenir.

Sur le versant de la colline qui regarde Bône, s’élève un modeste monument en l’honneur de saint Augustin. C’est un autel de marbre, surmonté de la statue en bronze du grand Évêque. Au sommet du mamelon, on a commencé l’érection d’une basilique qui sera dédiée à cet illustre Père de l’Église.

Nous sommes dans les premiers jours de février, et il fait ici une température comparable à celle de nos plus beaux jours d’été. Les fleurs des amandiers jonchent le sol, et les abeilles bourdonnent dans les charmilles émaillées de roses.

Assis sur une colonne renversée dans les hautes herbes, je touche avec respect ce sol que le saint et grand homme a foulé de son pied pendant trente-cinq ans. C’est ici qu’il a composé ses Confessions et sa Cité de Dieu.

Du haut de cette éminence, il avait sous les yeux la mer. Que de fois son esprit a dû la franchir pour s’envoler vers l’Italie, vers Rome, le champ de ses luttes et de ses triomphes, vers Ostie tombeau de sa sainte mère, vers l’Église de Rome à la défense de laquelle il avait voué son génie et sa vie !